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Réponse kinesthésique sur lignes
Agir au bon moment
jeudi 10 novembre 2011, par
Cet exercice, tiré des viewpoints d’Anne Bogart et Tina Landau [1], permet de se concentrer sur des stimuli extérieurs afin de repérer le bon moment de l’action, c’est-à-dire quand quelque chose advient.
Pour cet exercice, l’espace est divisé en quatre à huit lignes parallèles. Chaque participant ne peut se déplacer que sur l’une de ces lignes, qui lui est attribuée.
Au début, chacun se tient debout, immobile. Il faut se concentrer sur ce qui se passe autour, être attentif à tout événement, mais sans rien regarder ni écouter de précis ; nous sommes dans une attention diffuse.
Sur sa ligne, chacun n’a droit, au début, qu’à un vocabulaire restreint à cinq actions : marcher, sauter, se mettre au sol, changer de direction, s’arrêter. Pour les premières fois, il est conseillé de faire chacune de ses actions, en particulier marcher, avec une certaine vigueur.
Le principe de l’exercice : chaque changement de comportement, d’action, intervient en réaction spontanée à un événement extérieur, et seulement dans ce cas. Il faut une bonne raison dans l’environnement pour se mettre en mouvement, ou pour changer de comportement ; et la simple volonté de changement n’est pas suffisante.
Se restreindre à cinq actions élémentaires peut sembler frustrant et conduire à des incompréhensions, aussi ne faut-il pas pour autant brimer d’autres mouvements, des sons ou des émotions qui pointeraient. Pour autant, cela permet de se concentrer uniquement sur les impulsions, et de ne pas se demander quoi faire. On peut très bien commencer l’exercice en ne faisant que marcher et s’arrêter, et progressivement ajouter les autres actions.
Petit à petit, on peut ajouter au vocabulaire des changements de tempo (assez naturels), des sons, de la voix, du texte... Mais attention, cet exercice travaille sur les impulsions : le son, le texte, et même l’arrêt (ou silence) doivent être considérés comme des actions, des changements dans l’environnement, et non pour leur contenu sémantique.
La géométrie peut aussi évoluer : des lignes, passer à la grille (réseau de lignes en angles droits) puis ouvrir. L’enjeu est alors de conserver une qualité d’écoute à travers la pièce même quand la structure n’est pas là.
Théorie
Je traduis ici un passage du livre cité :
La réponse kinesthésique est votre réaction physique spontanée au mouvement autour de vous. Concentrez-vous sur les autres corps dans l’espace et laissez-les déterminer vos impulsions de départ ou d’arrêt. Laissez reposer la décision de bouger ou de rester immobile sur les autres, quand les autres vous affectent, quand ils passent à côté, quand ils se mettent en marche ou s’arrêtent à proximité, etc... En se concentrant sur la réponse kinesthésique, on travaille sur quand bouger plutôt que comment. [2]
Bien qu’un peu "sec" au premier abord, cet exercice est extrêmement utile et offre, au fur et à mesure de la pratique, une grande sensation de liberté ; on se laisse porter, et tout devient simple ! Peu importe ce qu’on fait, il suffit de le faire au bon moment. Cela sensibilise très concrètement à deux notions difficiles à appréhender autrement, tant elles sont floues : la présence et l’écoute.
La présence car il oblige l’actant à agir sur le moment, sans prévoir, et sans non plus avoir le temps de construire. Tout doit être immédiat.
L’écoute, car on travaille dans cet exercice avec regard périphérique, et tous les sens sont en éveil pour capter le moindre événement.
[1] Anne Bogart, Tina Landau, The Viewpoints Book : A Practical Guide to Viewpoints and Composition, Theatre Communications Group, New York, 2005.
[2] p. 42, "Introducing kinesthetic response on the grid"